SOVIÉTIQUE (CINÉMA)

SOVIÉTIQUE (CINÉMA)
SOVIÉTIQUE (CINÉMA)

Après une période où la conformité d’idées et de style était la norme absolue, le développement quantitatif de la production cinématographique a cédé la place, en Union soviétique à partir des années 1970, à de multiples tentatives diverses et en apparence incompatibles. L’importance et la stabilité des structures industrielles ont en effet permis l’épanouissement d’une abondance de talents rare pour une cinématographie nationale.

C’est de 1964 qu’on peut dater l’apparition des nouveaux cinéastes soviétiques. Cette année – qui marque un tournant politique important avec le départ de Khrouchtchev – voit, dans le domaine culturel, l’affirmation et la confirmation du mouvement de révision intellectuelle dont les XXe et XXIIe congrès du P.C.U.S. avaient été des jalons.

C’est en 1964 que sort J’ai vingt ans , réalisé deux ans plus tôt par Marlen Khoutsiev (né en 1925), et qui avait alors été violemment critiqué par Nikita Khrouchtchev. Véritable manifeste de toute la nouvelle génération, cette œuvre fleuve fait éclater les normes de la linéarité et pose en termes contemporains les questions de la jeunesse du communisme et du rôle de la politique dans la vie.

1964 est aussi l’année des Chevaux de feu de Serge Parajdanov (1924-1990), «cinéma-cérémonial» qui représente un retour à certaines sources épiques aussi bien qu’intimistes. Les Chevaux de feu ressuscite une légende de la population goutzoule des Carpates, en jouant à la fois sur les deux niveaux ethnographique et fantastique. L’esthétique de Parajdanov résulte de son attitude ambiguë envers la question fondamentale de l’existence ou de l’assimilation d’une minorité, de la richesse et de la pureté d’un folklore original et du risque qu’il court de dépérir en vase clos. Sous des formes plus ou moins pertinentes, dans des discours parfois plus dilués, c’est le problème que vont se poser les cinémas des républiques, qui, au cours de la décennie suivante, passent au premier plan de la cinématographie soviétique, et où coexisteront souvent l’affirmation libératrice d’une personnalité nationale et des tendances néo-nationalistes qui vont de pair avec un réel obscurantisme culturel: ce que met en évidence, en 1971, un film de l’opérateur des Chevaux de feu , Youri Ilienko (né en 1936), L’Oiseau blanc taché de noir .

1964 est enfin l’année du premier film de Vassili Choukchine (1929-1974), Il était une fois un gars . Dans ses cinq films, d’une liberté narrative qui peut évoquer Ford ou Pagnol, Choukchine posera la question du statut de la parole (sujet même de son chef-d’œuvre, Pietchki-Lavotchki , 1972), et de la prise de parole de son personnage, le paysan sibérien. Cet acteur-écrivain-cinéaste, communiste, interroge de même sa propre création: comment rendre sa parole à une partie du peuple qui s’est tue jusque-là? Comment en rendre compte dans un cadre classique? Comment enfin être impliqué dans une société sans engagement politique explicite?

L’essor des cinémas des républiques

Dans ses grandes lignes, la période 1964-1972 se caractérise par le développement de tendances amorcées depuis 1956. Parallèlement à l’évolution de la politique des nationalités, l’épanouissement des productions des républiques socialistes soviétiques va de pair avec une sclérose du studio central de Mosfilm. Le caractère positif d’un enseignement du cinéma centralisé (le V.G.I.K. de Moscou) se confirme: la participation très active de cinéastes des premières générations – Alexandre Dovjenko jusqu’à sa mort en 1956, Serge Youtkévitch, Grigori Kozintsev, Mikhaïl Romm surtout – assure, pendant cette période, une continuité caractéristique du cinéma soviétique, et marque en même temps un retour aux problèmes posés dans les années 1920, en particulier à celui de l’expression d’un point de vue global sur la société. (Par la suite, ce sont Serge Bondartchouk et Alexei Batalov, cinéastes en activité, qui prennent part à l’enseignement. Il y a, d’ailleurs, d’autres instituts du cinéma, en particulier en Géorgie, où des élèves du cinéaste Eldar Chenguelaia réalisent des courts métrages remarquables.)

Ainsi les nouveaux cinéastes auront-ils des préoccupations et des conceptions distinctes de celles de la «génération du XXe congrès» (Mikhaïl Kalatozov, Grigori Tchoukhraï, Serge Bondartchouk). Ayant connu la guerre très jeunes, ou dans l’arrière-pays, ils ont un sentiment différent de l’histoire contemporaine. La réalisatrice ukrainienne Larissa Chepitko (1938-1979), auteur aussi bien d’un film «post-antonionien», Toi et moi (1972), que d’une exaltation quasi mystique de l’héroïsme des partisans, Ascension (1976), explique en effet: «Il existe la mémoire physique d’un individu, et il en existe une autre, celle du peuple et des générations. Elle dépasse le temps d’une vie humaine et ne contient pas seulement un nombre défini de faits, mais aussi une certaine quantité de valeurs morales. La génération de nos pères a porté le fardeau de la guerre. Pour la nôtre, elle est devenue un critère moral de base. Ce doit être pour la vie. C’est pour cela que nous faisons ce thème nôtre.»

L’essor des cinémas des républiques est le phénomène majeur des années 1960 et 1970. Leur place dans l’ensemble de la production ne cesse d’augmenter: le recrutement des réalisateurs est désormais largement décentralisé, les films atteignent fréquemment une audience à l’échelle de l’U.R.S.S. On peut constater aussi que les films produits en Russie même tiennent compte des apports de tel ou tel cinéaste letton, moldave ou arménien, autant que de cinéastes étrangers: «Dès ma génération, remarque Andrei Mikhalkov-Kontchalovski (1937), le système d’information en Union soviétique était devenu plus ouvert, et nous avons eu une meilleure connaissance de la cinématographie mondiale. Moi-même j’ai été très influencé par Andrzej Wajda. Tarkovski a été très impressionné par Kurosawa, par Bresson, par Bergman. Maintenant, des parentés s’inscrivent aussi, selon les républiques soviétiques, avec des cultures cinématographiques qui leur sont plus voisines. C’est ainsi que les Ouzbeks sont fortement intéressés par l’Indien Satyajit Ray, les méridionaux – comme les Géorgiens – par Bernardo Bertolucci et par tout le cinéma italien, d’autres par les jeunes réalisateurs iraniens, à Tachkent par exemple. Les Estoniens, les Lituaniens, les Lettons sont très en relation avec les cultures scandinaves, avec le cinéma suédois en particulier.»

En tout état de cause, traditions culturelles, besoins, infrastructure cinématographique diffèrent énormément. Il est par exemple remarquable que le studio Kirghizfilm, fondé en 1961, après avoir produit les premiers films de Larissa Chepitko et de Mikhalkov-Kontchalovski (Le Premier Maître , 1966), puis des films d’aventures classiques (ceux de Bolot Chamchiev, par exemple), aborde ensuite de préférence des réalités kirghizes, dans le prolongement de l’œuvre littéraire de Tchinguiz Aïtmatov.

Citons encore les studios d’Ouzbekfilm (stimulés pendant la guerre par les talents de Mosfilm qui s’étaient repliés à Tachkent), qui traitent des sujets d’une diversité extrême, allant de la reconstitution historique (Abou Raikhan Birouni ) aux chroniques d’amours adolescentes (Tendresse , d’Elier Ichmoukhamedov, Baies acides , de K. Kamalova) en passant par les conséquences des transformations sociales et politiques des décennies précédentes (la libération des femmes musulmanes par le pouvoir soviétique, dans Sans peur , d’Ali Khamraëv; l’exil des Ouzbeks en R.F.A., dans Rencontre et séparation , d’Ichmoukhamedov; la dernière guerre vue de l’arrière, dans Tachkent, ville du pain , de Choukhrat Abbasov). L’originalité et le courage de cinéastes comme Ali Khamraëv (qui, dans Triptyque , revient sur la condition féminine, cette fois dans une période plus récente), le Kirghiz Tolomouch Okéev, le Turkmène Khodjakouli Narliev, le Kazakh Doulat Khoudonazarov se confirme.

L’exceptionnel passé de la culture géorgienne explique la richesse de son cinéma depuis l’époque du muet. (Le rôle des Géorgiens Nicolaï Chenguelaia, Tchiaoureli, Kalatozov, Khoutsiev, Danélia, Paradjanov, dans les autres cinémas soviétiques, a été considérable.) Parmi de nombreux cinéastes apparus à partir du milieu des années 1950: Rezo Tchkheidze, Tenguiz Abouladze, Georgui Danélia, Lana Gogoberidze, Merab Kokochachvili, il faut mentionner tout particulièrement Otar Iosseliani (1934) et Georgui Chenguelaia (1937) parce que, poussant à l’extrême une tendance commune à plusieurs cinéastes géorgiens, leurs œuvres se trouvent à l’opposé du réalisme positiviste qui dominait ailleurs pendant la même période. Georgui Chenguelaia (Allaverdoba , 1967, et surtout Pirosmani , 1972) ancre son œuvre dans l’histoire par une démarche analogue à celle de la peinture de Pirosmani, composant ses films de formes closes – plan ou épisode, ensemble de couleurs, morceau musical ou bloc sonore, peintures de Pirosmani même; une culture extrême, une fausse naïveté faite d’élaboration patiente, de mémoire et de travail situent son œuvre à l’opposé du mythe de l’artiste visionnaire présenté par l’Andrei Roublev (1967) de Tarkovski.

Iosseliani compose ses films (La Chute des feuilles , 1967, Il était un merle chanteur , 1971) comme de la musique, sélectionnant et organisant avec rigueur les éléments de la réalité pour leur donner une apparence de chronique nonchalante. Son chef-d’œuvre, Pastorale (1976), est à l’opposé du passéisme, mais, en s’appuyant sur la mémoire de tout le cinéma soviétique (de Dovjenko et Barnet au cinéma géorgien des années 1960), propose une manière différente d’aborder la réalité et de raconter des histoires, faisant appel à un spectateur actif – revendication qu’on retrouve, diffuse et informulée, chez bien des cinéastes contemporains – et au caractère naturel de la création cinématographique, qui ne saurait – comme le revendique ailleurs Tarkovski – être limité à une élite.

Avec l’enracinement des cinéastes «des républiques» dans leurs réalités nationales, il reste aux cinéastes russes à signifier le rapport douloureux et ancien de la Russie à l’Europe occidentale. C’était le cas de Mikhalkov-Kontchalovski dans son adaptation de Tourgueniev, Un nid de gentilshommes , ou celui de Tarkovski avec un épisode du Miroir et avec tout le film qu’il a réalisé en Italie, Nostalghia (1983), avant de choisir l’exil.

Ailleurs se situe Nikita Mikhalkov (frère d’Andrei Mikhalkov-Kontchalovski, né en 1945), avec une série de films extrêmement variés et homogènes à la fois, qui en ont fait un réalisateur vedette. De la guerre civile (Nôtre parmi les autres ) à Gontcharov (Quelques Jours de la vie d’Oblomov ), en passant par l’adaptation – en 1978 – d’une pièce à succès des années 1950, Cinq Soirées , il aborde divers moments de la mentalité russe, jouant – avec un brio un peu ostentatoire – sur les sentiments, le passage du temps, les liens familiaux.

Un cinéma civique

La résolution du Comité central du P.C.U.S. du 22 août 1972, que l’on a généralement interprétée comme une «reprise en main», insistait sur la nécessité d’utiliser le cinéma comme moyen d’éveil et d’éducation, de prise de conscience idéologique et politique, et constatait l’utilisation insuffisante qui était faite des possibilités existantes.

Les années suivantes voient l’apparition d’un nombre croissant de films où sont abordés des thèmes politiques ou économiques contemporains, de préférence les conflits de gestion (ou de génération...) plutôt que ceux du travail. La Prime (1975) de Serguei Mikaélian, consacré film officiel (et mentionné dans un discours de Brejnev au XXVe congrès), est le prototype des films dits de production. La contestation du chef d’équipe contre la mauvaise marche de l’entreprise y rejoint l’effort du secrétaire du parti pour retrouver le léninisme dans la complexité des problèmes contemporains. Ce film se situe résolument dans la ligne définie par le P.C.U.S., et utilise des moyens proches de ceux du cinéma américain dans l’objectif univoque de convaincre (ce qui permet au réalisateur de déclarer n’avoir voulu faire qu’un film psychologique et de reprendre à son compte la phrase de Stanislavski: «Le metteur en scène doit mourir dans l’acteur»).

Ce projet civique est repris par de nombreux jeunes cinéastes, qui traitent des histoires souvent insignifiantes du point de vue du fait divers, mais démontrant les implications du social dans la vie quotidienne. La structure même des films provoque la confrontation de divers points de vue. Des protagonistes souvent dédoublés, représentant des options contradictoires, ont remplacé les porte-voix de la vérité du socialisme.

La rançon de cette évolution est une confiance démesurée dans les pouvoirs de la littérature, qui réduit le cinéma à la défense et illustration d’idées. Plusieurs cinéastes refusent néanmoins cette conception scolaire. Gleb Panfilov (né en 1934) revendique ainsi un rapport actif du film au spectateur dans tous ses films, en particulier dans Je demande la parole (1974), qui a pour protagoniste la femme maire d’une ville soviétique: «L’une des questions les plus fréquentes consiste à me demander où se trouve ma propre opinion de metteur en scène. Or, ce n’est pas à moi de conclure, de décider. C’est au spectateur de prendre en compte les différents aspects des problèmes posés par le film. Iosseliani est très proche de moi – ou moi de lui – dans ce domaine», explique Panfilov, qui mentionne aussi Ilya Averbakh (Monologue , Lettres d’autrui ). «Nous voulons inciter le spectateur à une attitude active au lieu qu’il se contente d’attendre, au final, la solution fournie par le metteur en scène. Le film doit être conçu de manière que la réflexion du spectateur puisse se prolonger après la projection.»

Il ne semble toutefois pas que la politique de «renforcement de la lutte idéologique», prônée par les XXIVe et XXVe congrès du P.C.U.S., ait trouvé un très large écho – du côté du cinéma – comme le voulait Leonid Brejnev, dans «la plus grande richesse et diversité des formes et des styles sur la base des principes du réalisme socialiste», autrement dit par la juxtaposition d’œuvres, sans un véritable approfondissement critique. Alors que l’organisation du cinéma, à partir de 1972, devait en principe accroître les responsabilités des cinéastes dans la production et la gestion et aménager l’enseignement et la formation en vue d’une plus grande égalité des chances et d’une plus grande mobilité professionnelle, on a pu constater un certain nombre de ratés, et le retour à des pratiques anciennes de népotisme. Les actes d’arbitraire qui sont le corollaire d’un laxisme – et non d’une rigueur – idéologique prennent parfois des formes décourageantes. Le cas le plus flagrant est l’emprisonnement pendant quatre ans, sous des prétextes de «droit commun», de S. Paradjanov, au terme d’un procès tenu secret.

C’est le mythe arménien que dit Parajdanov dans Sayat Nova (1969): objet de scandale presque autant que le cinéaste lui-même, qui confirme avec rigueur les tendances amorcées dans Les Chevaux de feu , un rejet de toute forme de naturalisme ou d’imitation de la réalité, une approche du cinéma comme art plastique puisant ses ressources dans le mythe même. La difficulté à formuler une théorie du cinéma qui ne soit pas liée à des exigences directement idéologiques ou à la nécessité de reconduire sans plus le passé du cinéma soviétique a fait d’une telle œuvre une aberration dans le cinéma soviétique (comme elle le serait dans tout cinéma à dominante industrielle, d’ailleurs), ce qu’on ne peut que regretter.

Le début des années 1980 (pour autant qu’on puisse généraliser, à partir des œuvres ambitieuses, et en laissant de côté le cinéma traditionnel de grande consommation, où pourtant des films comme ceux d’Eldar Riazanov, L’Ironie du sort , Garage , manifestent une ironie corrosive très surprenante) voit apparaître une sorte de désenchantement qui semble mal se rattacher à un projet idéologique ou artistique définissable, pour la première fois sans doute dans l’histoire du cinéma soviétique. Les années 1960 avaient été traversées par une série de films réflexifs (retour sur soi, mise en cause de toute une existence), entamée avec le mémorable Neuf Jours d’une année (Mikhaïl Romm, 1962) et surtout illustrée par l’équipe Youli Raizman (réalisateur), Evguény Gabrilovitch (scénariste) – Ton Contemporain (1967) – mais aussi par des noms moins illustres comme Ily a Averbakh (Monologue , 1972). Au début des années 1980, ce courant évolue vers un pessimisme sans remède: ainsi dans un nouveau film du vétéran Raizman, Vie privée (1982), la vie en question, consacrée au bien public, s’avère un ratage total. Même un film «de genre» comme L’Équipage d’Alexandre Mitta, premier film catastrophe soviétique et énorme succès public, témoigne, pendant la moitié de ses trois heures de projection, d’une débâcle générale des vies et des sentiments. À l’opposé cinématographique, Un train s’est arrêté (1983) de Vadim Abdrachitov (né en 1945), film au projet civique, conclut sur une méfiance foncière à l’égard des mécanismes institutionnels (il s’agit d’une enquête sur un accident, opposant un juge honnête à un journaliste corrompu). Enfin, Vols entre rêve et réalité (1983) de Roman Balaian met en scène un héros flâneur et séduisant, ne sachant, à quarante ans, que faire de sa vie: éloge de la paresse qui évoque certains «jeunes cinémas» des années 1960 (Italie, Tchécoslovaquie).

Jusqu’à la référence fondamentale de la «Grande Guerre patriotique» qui se trouve atteinte par le scepticisme. Alors que Larissa Chepitko, dans Ascension , colorait de mysticisme la lutte contre l’envahisseur nazi, un jeune réalisateur letton, Olev Neuland, montre dans son premier film, Un nid au vent (1979), un paysan pris entre les partisans nationalistes et le pouvoir soviétique, sans que rien ne le détermine à se prononcer: «Qu’est-ce que c’est que cette vie maudite? Les Allemands arrivent: on a peur. Les bolcheviks arrivent: on a peur. Un vagabond arrive: on a peur. On n’aura plus de jours paisibles, c’est sûr.»

Le droit à la différence

Un cinéma qui est affaire d’État pour le meilleur et pour le pire, et d’abord à cause des inépuisables besoins culturels des peuples de l’U.R.S.S., implique une fonction sociale autre, et, dans les films, un lien plus intime avec l’histoire. Cinéma et développement de la société socialiste entretiennent en effet des rapports incessants. L’acte social qu’est la fréquentation du cinéma détermine aussi bien la vie locale et l’information que l’apprentissage des images et des sons. Travailler pour des millions de spectateurs suppose le droit à l’existence de films «autres»: Le Miroir (1974), film classé «difficile» de Tarkovski, a été diffusé à près de deux cents copies (autant qu’un Belmondo ou un de Funès en France). Un film qui ne sort que dans une (petite) république sera déjà vu par des centaines de milliers de spectateurs.

La revendication de cette différence est affirmée désormais de façon irréductible. Ainsi, Andreï Tarkovski (1932-1986): «Je suis très insatisfait du rôle que joue le cinéma, en général, dans la société. Parce que, dans le domaine de l’art – et je parle toujours sur le plan moral – et dans celui du spectacle, il reste encore à un niveau assez bas. Il y a une rupture, une déchirure, qui devient de plus en plus profonde, entre ce qu’on appelle les chefs-d’œuvre et la culture de masse, et la culture qu’on impose aux masses. Dans ces rapports, je pense que c’est la science qui va donner un coup de main aux artistes, et c’est grâce à la simplification des techniques que l’art peut devenir accessible aux cinéastes. Il viendra un jour où tout homme ayant envie de faire du cinéma disposera de moyens techniques aussi simples que ceux que détient un écrivain avec son stylo et ses rames de papier.»

Des cinéastes révélés dans les années 1960, trois ont choisi l’exil: Tarkovski, Mikhalkov-Kontchalovski (aux États-Unis), Iosseliani (en France) – sans rompre, pour ces deux derniers, avec l’U.R.S.S. et son cinéma. Paradjanov (1924-1990), quant à lui, poursuivait un parcours unique et ardu (La Légende de la forteresse de Sourami , 1984). De plus en plus, les cinéastes se détournent des formes de production traditionnelles, liées au long métrage, et réalisent un travail durable sur le cinéma, une approche qui ne le cantonne pas dans un rôle de satellite de la littérature: aussi bien dans la télévision et le «documentaire», pris au sens large, qui l’oppose à la fiction (l’Arménien Artavazd Péléchian, les Lettons Guertz Frank, Iuris Podnieks, le cinéaste de Leningrad Sakourov avec Alliés ), que dans les films d’étudiants (faculté de Tbilissi, cours supérieurs de réalisation à Mosfilm, etc.), très divers dans leurs thématiques et leurs styles, et surtout dans l’animation (en Géorgie et à Moscou), avec David Takaichvili, Eduard Nazarov et en tout premier lieu le peintre cinéaste Iouri Norstein (Le Conte des contes , Le Manteau ).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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